Pourquoi les économistes laissent tomber le monde sur le changement climatique?
Andrew Oswald et Nicholas Stern apportent des éléments de réponses dans un article sur VoxEU.org
Malgré le consensus international sur le sujet, les alertes sur les risques et le besoin d’actions pour la protection de l’environnement le monde économique semble encore trop absent. D’ailleurs, les auteurs de l’article ne manquent pas d’indiquer que « Goodall et Oswald (2019) soulignent que depuis l’année 2000, les 50 revues qui comptent pour la liste FT Research Rank n’ont publié que 11 articles sur le déclin des espèces et la bioversité (sur 47000 articles) »
Pour les auteurs le problème vient d’un pseudo équilibre de Nash en lien avec le pouvoir des publications. « Les économistes universitaires sont obsédés par la publication en soi et par les arbitres potentiels qui plaisent. La raison pour laquelle il y a peu d’économistes qui écrivent des articles sur le changement climatique, nous pensons, c’est parce que d’autres économistes n’écrivent pas d’articles sur le changement climatique » expliquent A.Oswald et N. Stern.
Ces publications sont un reflet de notre société et donc les héritages économiques conceptuels prônés par A. Smith, T. Malthus ou D. Ricardo relayés par les économistes d’aujourd’hui sont en partie à l’origine de cette difficulté à concevoir une société qui satisfait simultanément aux attentes économiques, environnementales et sociétales.
Comme l’explique Gaël Giraud, l’idéologie néoclassique de l’économie est essentiellement analytique et incompatible avec les notions de limite des ressources naturelles. Dans ces modèles « le capital » et « le travail » s’avèrent être les deux seuls facteurs de production qui participent à la croissance (en excluant le progrès technique, facteur exogène, qui permet d’augmenter la rentabilité du capital et repousser l’état stationnaire de l’économie).
Malheureusement (ou heureusement), la volonté de tendre vers une économie plus réaliste et soucieuse de l’environnement reviendrait à déconstruire l’école néoclassique et à changer de paradigme en intégrant les limites de la planète. Or, aujourd’hui force et de constater que les économistes ne sont pas prêts à passer cette étape.
De plus, aujourd’hui et malgré l’existence de l’économétrie alliée à l’informatique et à l’essor du Big data, la modélisation des modèles économiques permet juste d’aider à prendre des décisions qui restent encore politiques. Ces seuls modèles ne sauraient se substituer directement aux orientations gouvernementales qui sont dépendantes des idéologies et des partis pris. Les variables sociales et environnementales peuvent donc toujours se retrouver reléguées au second plan lorsque des choix politiques s’imposent.
D’ailleurs les auteurs ajoutent « qu’aucun changement ne peut se produire sans une bonne politique, et c’est d’ailleurs là que l’économie doit jouer un rôle avec des contributions sur le sujet. »
Il est donc temps que le monde politique et économique s’aligne sur les problématiques environnementales et sociétales à gérer. Même si résoudre ces paradoxes à l’échelle mondiale s’avère être probablement utopique, à défaut de pouvoir défaire (ou trancher) ce nœud gordien, nous pouvons au moins essayer pour nos générations futures.